mardi 25 octobre 2011

Mais qui est ce Hachemi Hamdi qui suscite tant de polémiques ?


Mais qui est ce Hachemi Hamdi qui suscite tant de polémiques ?



C’est l’une des grandes surprises du scrutin du 23 octobre. Personne ne le prenait au sérieux ni croyait à ses chances et le voilà caracoler parmi les Top 5 des vainqueurs. Sur son site web, il établit son identité officielle comme suit : Dr Mohammed al Hachimi Al-Hamidi. Fondateur de la chaîne satellitaire Al Mustakilla, implantée à Londres, ce tuniso-britannique est le président d’une « initiative politique indépendante» qui s’est choisie comme appellation : Pétition Populaire pour la Liberté, la Justice et le Développement. Présentant des candidats dans la quasi-totalité des circonscriptions électorales en Tunisie et à l’étranger, certaines estimations la créditent d’une vingtaine de sièges à rafler. Dans nombre de circonscriptions, les résultats provisoires confirment une avancée significative, créant une véritable surprise. Sans être présent sur le terrain, sans livrer une vraie campagne dans les régions, il s’est appuyé essentiellement sur sa chaîne télé et ses propres relais… mais, sans doute, bénéficiant d’un coup de pouce bien puissant.
Cette utilisation d’Al Mustakilla, chaîne étrangère, première interdiction en soi, et le non-respect des autres conditions fixées par le décret-loi sur la campagne électorale, lui valent aujourd’hui une forte vague de contestation appelant à l’invalidation de ses listes. Mais, M. Ridha Torkhani, membre de l'ISIE, a expliqué que l'article 70 du décret-loi électoral permet à l'ISIE de relever les dépassements, notamment la corruption et l'utilisation de financements étrangers. "Le décret électoral est clair en ce qui concerne le financement étranger, mais il n'incrimine pas l'usage des médias étrangers pour la promotion des programmes électoraux, laissant à l'ISIE une marge de manœuvre", a-t-il expliqué. M. Torkhani n'exclut pas, néanmoins, la possibilité d'invalidation des listes d'El Aridha populaire pour avoir poursuivi leur propagande via la chaîne « Al Mustakella ».  Et d'ajouter, plusieurs avocats ont déposé une plainte dans ce sens, auprès de l'ISIE.
Hachemi El Hamdi, président d'El Aridha populaire, s’en défend. Dans une déclaration à l’Agence TAP, il a indiqué que les listes d'El Aridha n'ont pas transgressé la loi puisqu'il est le seul à avoir été invité par la chaîne « Al Mustakella » au cours de la campagne, ce qui ne peut être considéré comme une infraction du moment qu'il n'est pas candidat à la constituante».
Sa biographie officielle ne mentionne pas ses date et lieu de naissance, indiquant seulement qu’il est originaire du gouvernorat de Sidi Bouzid. On y apprend qu’il a obtenu une licence en Langue et Lettres Arabes, à Tunis en 1985, poursuivi ses études à Londres où il a réussi un mastère en Lettres Arabes, se spécialisant dans les études islamiques contemporaines. Actif dans les milieux de la presse dès ses années universitaires à Tunis, il avait collaboré à la page des Jeunes du quotidien Assabah (1983), puis dans différentes autres publications (Erraï, Le Maghreb…).
A Londres, il rejoindra le quotidien Ech-Chark El Awsat où il dirigera la section Religion et Tourath, avant de fonder l’hebdomadaire Al Mustakilla, en 1993, puis le magazine Le Diplomate (1996). Il finira par lancer sa propre chaîne Tv Al Mustakilla en 1999, puis une deuxième chaîne La démocratie en 2005.
Toujours selon sa biographie, il est l’auteur de nombreux ouvrages en arabe et en anglais, organisateurs de symposiums et conférences sur le dialogue entre les civilisations et les religions, etc. Ce qu’on ne trouve pas, sur son site officiel, c’est d’abord ses arrestations en Tunisie, en 1983, puis en 1984, qu’il mentionne dans de récentes interviews accordées au quotidien Assarih. Encore moins, ses relations avec Ben Ali, laissant planer une série de controverses à ce sujet.
Un programme électoral alléchant : des promesses qui n'engagent que ceux qui les écoutent
L’initiateur de la Pétition n’hésite pas à promettre aux électeurs des mesures des plus séduisantes dont notamment :
  • la gratuité des soins  pour  tous  les  citoyens 
  • l’octroi subventions  mensuelles  de  200  D  aux sans-emplois en échange de 2 jours de  travail dans l’intérêt de l’état, à commencer par 500 000 bénéficiaires dans la première  année
  • la création du Diwan Al-Madhalim, une institution Judiciaire indépendante où  seront employés de nombreux diplômés du droit, afin d’examiner les plaintes des citoyens contre l'État du régime précédent ou actuel, dans une période n'excédant pas un an.
  • la création d’une exposition permanente de projets d'investissement dans tous les gouvernorats du pays
  • l'établissement d'un ministère de l'outre-mer qui veille aux intérêts des immigrés, en Tunisie et dans  les  pays où  ils  résident,
  • l'autorisation  aux  retraités dépassant l’âge de  65 ans de voyager gratuitement à travers  la République, dans tous les moyens de transports publics.
Ses talk-shows sur Al Mustakilla, notamment au sujet des mesures qu’il prendra s’il est élu Président de la République, le lieu de sa résidence officielle, la composition de son gouvernement et autres ont également suscité des commentaires amusés. Mais, son discours et ses promesses semblent avoir produit leurs effets sur de nombreux électeurs comme en témoignent les résultats recueillis. A moins que l’ISIE ne les invalide.

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Ennahdha a gagné. Et alors ?


Alors que les résultats ne sont pas encore officiellement proclamés, les tendances sont claires. Le parti islamiste tunisien s’impose, et de loin, comme le vainqueur de ces premières élections libres en Tunisie. Une première place qui ne surprend personne, tous les sondages le laissaient présager, mais peu avaient prédit un tel raz de marée. Ennahdha est première dans quasiment toutes les circonscriptions, celles de l’étranger comprises.

Une campagne bien menée

Ce résultat vient sanctionner une campagne politiquement impeccable, menée par Ennahdha. Dès la fuite de Ben Ali, puis l’obtention du visa pour leur parti le 1er mars dernier, ils ont commencé à« faire de la politique ».  Leur objectif était clair : s’installer définitivement dans le paysage. Ils ont travaillé pour reconstruire leur réseau décimé par Ben Ali, sans faire de vagues. 

(AP Photo/Hassene Dridi)
Il fallait se faire petit pour rassurer une opinion publique qui les méconnaissait. Ils ont même fait montre de désintérêt pour le pouvoir : Rached Ghannouchi a déclaré, dès son arrivée, qu’il n’escomptait pas être aux responsabilités. Ennahdha n’a participé à aucun des gouvernements de transition et s’est montrée très conciliante dans ses critiques, y compris vis-à-vis du RCD. Ils n’ont fait que surfer sur les différents mouvements populaires post 14 janvier. Ils n’ont eu de cesse  que d’essayer de lisser leur image : rappeler à quel point ils ont souffert sous l’ancien régime (ce qui est vrai) ; se présenter comme l’équivalent de l’AKP turque (un peu moins vrai), garantir qu’ils ne toucheront pas au code de statut personnel (on verra)… Bref, Ennahdha a fait une vraie campagne politique.

Ennahdha n’a pas fait sa campagne seule

Le parti islamiste a été aidé, et pas qu’un peu, par ses détracteurs. Ces partis qui ont fait leur campagne en attaquant Ennahdha, ont soudé ses militants et lui ont donné l’occasion de montrer leur tolérance à la critique. Mieux, c’était le concours entre les partis « progressistes », à qui diaboliserait le plus Ennahdha, transformant la campagne électorale en cour de recréation. Au point que les critiques constructives devenaient inaudibles.

Déjà, dès le lendemain de la fuite de Ben Ali, entre autres pièges posés par la contre-révolution, celui du débat sur la laïcité. Alors que la question était réglée par un compromis acceptable, avec l’article 1 de la constitution de 1959, plusieurs partis ses sont engouffrés dans la brèche et tombent dans le piège à pieds joints, ils étaient dans un terrain où Ennahdha était plus en phase avec l’électorat.  

En Tunisie, l'année était ponctuée par des incidents où les islamistes et Ennahdha, par ricochet, étaient montrés du doigt: incidents lors de la diffusion de "Ni Allah, ni maître"agression à l'Université de Sousse et dernier épisode avec des manifestations suite à la diffusion de Persepolis sur Nessma TVL’instrumentalisation hasardeuse de ces incidents, et particulièrement le dernier épisode, n’a pas arrangé les choses.

Les électeurs ont sanctionné les partis les plus virulents vis-à-vis des islamistes et notamment les Parti démocrate progressiste, le grand perdant de cette élection. Le PDP , donné favori derrière Ennahdha, a fini en bas du tableau.  La deuxième place est disputée entre le Congrès pour la République (Centre-gauche populiste), très conciliant avec les islamistes, qui a crée la surprise et la Forum Démocratique pour le Travail et Liberté connu sous le nom Ettakatol (Social-démocrate). 

C’est une victoire des conservateurs

La victoire d’Ennahdha est aussi la conséquence de neuf longs mois d’instabilité. Les Tunisiens veulent un peu d’ordre et voient dans Ennahdha le parti politique de l’ordre qui porte des valeurs, religieuses certes, mais claires.

Nous pouvons être satisfaits par ces élections, elles se sont déroulées relativement dans de bonnes conditions. On peut dénoncer quelques dysfonctionnements, mais ils ne sont pas de nature à modifier le résultat. Le problème réel était en amont du suffrage, le problème de l’argent et de la publicité politique. En effet, Ennahdha avait des moyens considérables de provenance inconnue. Mais ils n’étaient pas les seuls, et face à cette alliance d’intérêts, les tentatives de l’instance de Yadh Ben Achour, dont la volonté était de mettre de l’ordre dans le financement, ont été vaines. 

Je suis, comme d’autres, déçu par les résultats. J’espérais voir la Tunisie aller de l’avant et créer un nouveau modèle à la hauteur de ce qu’elle a accompli par le passé, particulièrement ces derniers mois. Mais voilà, ce n’est pas le cas et nous devons en prendre acte.  

Plus que tout, je suis dépité par les réactions de ceux qui refusent d’accepter le résultat. De ceux qui se sont trompés et perdus et continuent à se croire détenteurs de la vérité absolue. Le Peuple a parlé, acceptez votre défaite. Ne méprisez pas ceux qui ne sont pas de votre avis, sinon jamais vous n’allez réussir à les convaincre.

Je suis optimiste pour l'avenir, malgré tout. La liberté est un combat de tous les jours. Je ne l’ai pas demandé, une révolution et plusieurs martyres me l’ont offerte. Je ne la laisserai pas se faire confisquée par quiconque.  Ennahdha a gagné ! Et alors ? S’ils trahissent la démocratie que les Tunisiens leur confient, ils partiront comme ceux qui les ont précédé. 



Et maintenant on va où ?

A l’heure où ce billet est rédigé, l’ISIE (Instance Indépendante pour les élections) n’a pas encore proclamé les résultats. Mais à Tunis, les tractations doivent aller de bon train pour décider d’un carnet de route : un président pour l’Assemblée constituante, formation d’un gouvernement et un nouveau Président par intérim et là, tout est possible.

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lundi 24 octobre 2011

Elections : un grand vainqueur, Ennahdha...le PDP sombre


Elections : un grand vainqueur, Ennahdha...le PDP sombre



La Tunisie retient son souffle. Mais quand bien même les résultats définitifs du scrutin du 23 octobre,  ne seraient connus que mardi, on peut d’ores et déjà affirmer que le mouvement Ennahdha en sera le grand vainqueur puisqu’il arrive en tête dans la plupart des circonscriptions en Tunisie et à l’étranger. Selon les dernières estimations, il serait crédité de 55 % des voix, soit une soixantaine de sièges. Ce qui lui permettrait de former sans doute une coalition avec ses poursuivants immédiats, le Congrès Pour la République et Ettakatol pour constituer la majorité à la Constituante. Il n'est pas exclu qu'ils soient rejoints par d'autres formations comme l'étonnante "El Aridha Chaabia"  
Car si la victoire d’Ennahdha était prévisible, celle de ce  parti dirigé par Hachemi Hamdi, un transfuge de la formation de Rached Ghannouchi et propriétaire de la chaîne émettant à partir de Londres, El Moustakella, sera, probablement, la grande surprise du scrutin de dimanche. Rien que dans sa région d’origine, Sidi Bouzid, il devra remporter cinq sièges. On parle même d’une...vingtaine de sièges pour toute la Tunisie. Ce succès est d'autant plus remarquable que Hamdi n'a pris part à aucun débat télévisé ou radiodiffusé pendant toute la campagne, se contentant de quelques déclarations et surtout de promesses pour les électeurs à partir de la capitale britannique.
Par contre, le Parti démocrate progressiste (PDP), qui était considéré comme le second parti tunisien après Ennahdha  a reconnu sa défaite : «  C'est la décision du peuple tunisien. Je m'incline devant ce choix. Je félicite ceux qui ont obtenu l'approbation du peuple tunisien", a déclaré la secrétaire générale, Maya Jribi à l’AFP, affirmant que son parti se rangerait dans le camp de l'opposition à la future majorité.
"Nous serons toujours là pour défendre une Tunisie moderne, prospère et modérée", a poursuivi la chef du parti qui avait axé sa campagne sur son opposition au parti Ennahdha.
"Je pense que la Tunisie est en train de vivre un tournant", a-t-elle estimé, ajoutant: "nous serons vigilants et nous jouerons notre rôle dans la sérénité".

L’autre grand perdant de cette consultation électorale, le
 PDM, a, par la voix de son secrétaire général, Riadh Ben Fadhl  imputé notamment sa défaite  à « son incapacité à faire passer son message et son projet de société ».Interrogé par Mosaïque fm, Riadh Ben Fadhl a indiqué « qu’aucune démission n’est envisageable pour la société civile qui doit toujours  être présente sur le terrain ».

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Ghannouchi, Chebbi, Ben Jaafar, Mourou, Ben Achour et les autres: Qui n’a pas fait la queue pour voter ?


Yadh Ben Achour Leaders



Se fondre dans la foule et prendre place dans les longues files, en attendant son tour pour accéder au bureau de vote : la quasi-totalité des politiques en ont fait plus qu’un devoir, un style. Seul le leader d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, semble avoir été « induit en erreur » par son équipe qui a voulu jouer les coupe-file, au grand désagrément des électeurs présents à l’école primaire Bilel, à El Menzah VI. Pas loin, un autre Ghannouchi, l’ancien Premier ministre, était venu avec son épouse accomplir leur devoir, avenue d’Afrique où ils ont bénéficié d’une grande courtoisie, leur laissant la priorité du vote. Très gêné, Si Mohamed ne pouvait déroger à l’ordre prioritaire.
A La Marsa, très tôt le matin, le Pr Yadh Ben Achour était parmi les premiers arrivés à l’école Taieb Mehiri, prendre sa place dans la queue qui commençait à se former. Ahmed Néjib Chebbi, s’y est obligé, 
finissant par rencontrer Abdelfettah Mourou et se saluer chaleureusement, tout comme Mustapha Ben Jaafar et presque tous les autres chefs de parti. « C’est ça la démocratie, lâche un jeune ! Ils font bien de nous montrer que nous sommes tous égaux  et qu’ils nous respectent».

 


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lundi 17 octobre 2011

Vivement le 23 octobre

Vivement le 23 octobre, doivent-ils se dire, tous ou presque, du moins publiquement! Membres du gouvernement, ils se sont dépensés avec beaucoup de courage et autant de patriotisme à assumer une mission de haute délicatesse, dans cette profonde transition démocratique qui s’amorce. Les pionniers, et à leur tête les ministres de la Justice et de l’Education, Me Lazhar Karoui Chabbi et Taieb Baccouche, en poste dès le 17 janvier, et ceux qui les ont successivement suivis le 27 janvier, puis le 7 mars, avec l’arrivée du nouveau Premier ministre, M. Béji Caïd Essebsi, garderont longtemps en mémoire les conditions difficiles dans lesquelles ils ont pris leurs fonctions. Combien de fois avaient-ils craint de voir l’Etat chavirer et l’autorité s’estomper. Combien de fois, avaient-ils été tentés de jeter l’éponge ou, du moins, espéré la tenue des élections le 24 juillet, pour reprendre leur souffle au plus tôt possible ? Et pourtant, la foi en la Tunisie, le sens du devoir, mais aussi et surtout le soutien au quotidien du Chef de l’Etat, M. Foued Mebazaa, et du Premier ministre, leur ont donné chaque jour de nouveaux ressorts. «Il faut reconnaître qu’à la tête de l’Etat, le tandem Mebazaa – Caïd Essebsi a fait preuve d’efforts titanesques pour garder le cap et conduire le navire à bon port, analyse pour Leaders un spécialiste.. Lorsqu’on se rappelle dans quelles conditions le Président de la République par intérim a accédé à ses fonctions, ajoute-t-il, et l’état de la charge dont il a hérité, on réalise la valeur de l’oeuvre accomplie. Le Premier ministre, aussi, surtout qu’il était en première ligne, sur tous les fronts. Tous deux ont su inventer un nouveau mode de régime de gouvernement, jamais expérimenté auparavant en Tunisie ».

«Sous Bourguiba (à quelques rares moments exceptionnels pendant sa maladie), comme son successeur, souligne notre analyste, le Président de la République accaparait seul tout le pouvoir exécutif (et mêmes les autres), ne faisant du chef de gouvernement qu’un super ministre. Connaissant les périls de cette concentration des pouvoirs, le Président Mebazâa a eu la sagesse de prendre le recul nécessaire et suffisant, faisant entière confiance au Premier ministre et lui laissant les coudées franches, dans une parfaite symbiose et un respect mutuel. Il assume les fonctions qui sont les siennes et délègue les autres. Il a été le premier à se rendre auprès de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, le 17 mars, puis a laissé le Premier ministre s’y présenter. Il a toujours présidé les réunions du conseil des ministres, tenant à ce que chacun s’y exprime librement, le dernier mot revenant au Premier ministre. C’est ce qui a pu donner aux Tunisiens attentifs un avant-goût de ce que peut être un régime présidentiel aménagé».

Ce mode de fonctionnement a-t-il réussi ? « Malgré ses limites, ses imperfections et sa fragilité, nous n’avons pas pu trouver meilleur, dans les circonstances actuelles, répond notre analyste. Il va falloir attendre la transmission des pouvoirs aux autorités légitimes issues de la volonté du peuple et du verdict des urnes pour en juger», conclut-il. Une chose est certaine : qu’il s’agisse du Président de la République, du Premier ministre, des membres du gouvernement, de leurs proches collaborateurs, comme de la haute administration qui se sont tous impliqués énergiquement dans ce processus de transition, oeuvrant à la réussite des élections, ils ont tous le sentiment du devoir accompli. Peut-être pas une totale réussite, mais l’intime conviction d’avoir agi en leur âme et conscience. Reste à savoir comment les Tunisiens les perçoivent et les apprécient.

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Trois conditions réunies, et la Tunisie gagnera

Dernière ligne droite, en cette troisième et dernière semaine de la campagne électoraleà quelques jours du scrutin du 23 octobre. La Tunisie tout entière retient son souffle, sous le regard du monde, pour vivre ce moment historique, lui ouvrant la voie vers la démocratie, la liberté et la prospérité. Trois appréhensions majeures habitent les esprits et il suffit, pour les conjurer, de les transformer en défis relevés avec succès.

Le premier défi, est celui de parvenir jusqu’au jour du scrutin sans incidents à même de troubler les esprits et gâcher la fête. Un bon climat est essentiel pour permettre la libre expression et la saine compétition.

Le deuxième défi, est celui de la forte participation au vote. Un faible taux d’abstention, contenu dans des limites raisonnables, traduira la détermination du peuple tunisien à se prendre en charge lui-même et à exercer, par la sanction des urnes, son plein pouvoir souverain.

Le troisième défi consiste à éviter, au lendemain des élections, une surenchère de contestations. Reconnaître les résultats et s’y soumettre sera un signe fort de démocratie.

Ces trois paris, décisifs pour la réussite de la transition démocratique, sont à la portée des Tunisiens et des Tunisiennes, au-delà de leurs appartenances et de leurs convictions. Il appartient aujourd’hui plus que jamais à toutes les formations politiques et listes indépendantes, candidates, d’œuvrer à en expliquer les enjeux et d’appeler leurs électeurs à les gagner.


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samedi 15 octobre 2011

Enti essout


« ENTI ESSOUT », une chanson créée et enregistrée à l’initiative du Programme des Nations Unies pour le Développement PNUD, par un collectif d’artistes talentueux et volontaire qui s’est formé dans le cadre de son projet d’Appui au Processus Electoral en Tunisie. Le but de cette chanson est d’inviter les jeunes à se mobiliser pour leur avenir et s’impliquer pour la Tunisie de demain. Ou tout simplement les SENSIBILISER !

L’exil n’est pas un pique-nique un jour de printemps

Chaque fois que j’apprends que des dizaines d’être humains sont morts noyés en essayant d’atteindre un rivage dont ils ont rêvé, je repense à cette phrase de Thomas Mann : « La liberté est plus difficile que le pouvoir ». Dans cet exil forcé, il y a certes l’espoir de trouver un travail en dehors de la terre natale, mais il y a aussi un arrachement et une rupture qui mettent la personne dans un état de trouble et de frustration qui mine sa vie. La liberté est l’aspiration à vivre dans la dignité. Le pouvoir est souvent là pour exercer l’humiliation. Personne ne quitte son pays dans des conditions périlleuses par plaisir. Emigrer est une forme d’échec se traduisant par une prise de risques où la vie est en jeu, la mort étant souvent au bout du voyage.

L’exil n’est pas un pique-nique par une belle journée printanière. C’est une violence faite à soi et détournant le destin. Lorsqu’en 1933 les livres d’Erich Maria Remarque sont brûlés par les nazis, l’auteur sait à cet instant précis qu’après les livres ce seront des corps qu’on brûlera. Il émigre en Suisse puis aux Etats-Unis. Toute sa vie sera marquée par l’affirmation de la liberté contre tous les pouvoirs qu’ils soient militaires ou civiles. Son œuvre est un hymne à cette liberté et à la paix qui en découle. Mais pas au prix de compromissions et de trahisons. L’écrivain émigre justement parce qu’il refuse la défaite des valeurs. La littérature, parce qu’elle part des mauvais penchants de l’homme, devient un refuge pour les valeurs fondamentales de dignité et de liberté. L’imaginaire de l’écrivain est au service de la complexité du monde et de son incompréhension. Un roman ne résout pas des problèmes, il pose des questions de façon telle que le lecteur est transporté dans un monde où il y a conflit entre pouvoir et liberté.


Pendant longtemps on a ignoré l’existence physique des immigrés. On ne les voyait pas, on n’en parlait pas. Ils étaient transparents. Ils rasaient les murs, silencieux, coupables de quelque chose dont ils n’arrivaient pas à en déterminer l’origine ou le sens. Le malheur est dans ces valises qui ferment mal et qu’on attache avec de vieilles cordes. Le malheur est dans l’isolement, la solitude imposée, parce que c’est ainsi. Personne n’en parle ni ne conteste cette réalité qu’on a éloignée du regard.

La France a puisé sans vergogne dans les réservoirs humains des anciennes colonies pour faire marcher ses usines. Certes, on s’est arrangé pour les parquer hors des villes, dans des cités de transit, des lieux pathogènes et sans avenir. On les ignorait parce que l’économie tournait comme une mécanique sans faille. Pas de crise, pas de contestation. Tout allait bien. C’était commode. Ils sont là sans être là. A la limite ils pouvaient se promener sur les Champs Elysées sans que personne ne s’aperçoive de leur existence. La France avait besoin de mains d’œuvre, besoin d’hommes forts, solides, capables de descendre dans les mines, capables de monter sur des échafaudages sans avoir du vertige.

Certains hommes politiques de l’ère Sarkozy regrettent cette époque où les immigrés étaient invisibles. Un ministre de l’intérieur a même dit « quand il y en a un ça va, c’est quand il y a en beaucoup que ça ne va plus » (je cite de mémoire).

Puis un jour, plus précisément un jour d’octobre 1973, de nouveau, Israëliens et Arabes sont en guerre. Les Arabes utilisent l’arme du pétrole. Voilà que le citoyen européen découvre que l’énergie dont il a besoin dépend des Arabes qui ont des puits de pétrole et que, pas loin de son quartier, d’autres Arabes, moins riches, plutôt pauvres vivent en faisant les travaux qu’il ne veut plus faire. A partir de ce moment-là, l’immigré va émerger de manière soudaine, accompagné de fantasmes menaçants. Il va cristalliser autour de sa personne des méfiances, des haines, des rejets de façon violente. Cela s’appelle le racisme.

Cela fait presque 40 ans que l’immigration en Europe est sujet de débats, de polémiques et surtout épouvantail utilisé par l’extrême droite qui va faire du racisme son idéologie principale. On constate qu’un peu partout dans les pays européens, l’extrême droite progresse. En France on évoque même l’horrible scénario où Marine Le Pen, présidente du Front national, serait présente au deuxième tour de l’élection présidentielle.

Cette progression est liée de manière fabriquée à la présence des immigrés sur le sol européen. Pas n’importe quels immigrés. Ceux qui semblent poser problème sont les immigrés pratiquant la religion musulmane.

On confond immigrés clandestins et immigrés légalement installés ; on confond les enfants nés européens avec leurs parents venus d’ailleurs. Tout cela contribue à créer la peur et le racisme. Les jeunes ne sont pas reconnus, ne sont pas acceptés dans le tissu social à quelques rares exceptions. Le chômage dépasse les 40% en milieu de ces jeunes français dont les parents sont venus d’ailleurs. Moins de 3% de ces enfants parviennent jusqu’à l’université. L’échec scolaire est patent. Il est dû aux conditions d’habitat, à la promiscuité, à l’exclusion directe ou indirecte.


Le XXIè siècle est et sera le siècle des migrations. La mondialisation alliée au libéralisme barbare est la cause principale de l’appauvrissement des pauvres, ce qui les oblige à émigrer par tous les moyens là où ils espèrent trouver de quoi nourrir leurs enfants. Nous vivons une époque cruelle où l’argent est devenu l’âme du monde, la douleur du monde. Un argent souvent virtuel. Le lieu où se décide le destin de millions de gens s’appelle la bourse. L’homme n’est pas un loup pour l’homme mais un rat pour l’homme car le rat est intelligent et ne lâche sa proie qu’une fois à terre, anéantie, morte.

Cet été nous avons assisté au triomphe de la spéculation, à l’émergence de nouveaux milliardaires et à l’appauvrissement de millions de citoyens, réduits au chômage dont certains n’ont de choix que l’émigration clandestine, celle où ils savent qu’ils risquent leur vie.


Ils partent d’Afrique, du Maghreb, d’anciens pays de l’Est. Ils avancent les yeux implorant le ciel, un ciel vide, sans étoiles. Ils marchent, montent sur des barques douteuses, font naufrage, certains se noient, d’autres sont recueillis pour être renvoyés chez eux. Mais chez eux c’est nulle part. C’est ailleurs. Ça n’existe plus. D’ailleurs aucun document ne l’atteste. Tout a été brûlé : les papiers d’identité, les traces des origines, le passé, les souvenirs… des hommes venus de terres sèches, où plus rien ne pousse. Le ciel est indifférent et la bourse continue son acharnement à créer de nouveaux pauvres et à pousser des gens sans terre à émigrer et à forcer les portes de la muraille européenne.


Dur métier que l’exil, dit-on. Une chose est sûre : il n’y a pas d’exil doré comme il n’existe pas d’immigration paradisiaque. Tout arrachement est une turbulence qui fait trembler des forêts entières. Quand la lumière s’exile, on invente l’espoir. Quand naissent des enfants dans cet exil, on reporte sur eux la lumière qui s’en est allée. Et l’on constate que la culture voyage mal. Certes, on fait semblant de continuer à répéter les mêmes gestes, le même rituel. On s’accroche à la religion convoquée pour sauver des âmes broyées par la solitude. A son tour la religion au lieu d’apaiser, inquiète. Tout devient excessif. Un père poignarde sa fille parce qu’elle est tombée enceinte hors mariage et le pire avec un non musulman ; le frère tabasse son petit frère qu’il a surpris en train de manger en plein jeûne du Ramadan ; la mère se met à se voiler comme si la honte avait envahi son univers ; et pendant ce temps là, on exhibe à la télévision de pauvres femmes de noir vêtues de la tête aux pieds, sorte de fantômes noires confondant les préceptes d’une religion avec des traditions de Bédouins dont les ancêtres enterraient vivantes les naissances féminines.


Il va falloir nous préparer à vivre ensemble dans le chaos d’un monde mu par les inégalités, par la corruption, par la violence. L’Europe est une belle invention, un projet magnifique. Mais l’Europe ne se sent pas bien. Elle a de la fièvre. On ne sait pas si c’est à cause de la crise économique ou bien à cause des valeurs qui pâlissent puis disparaissent. Car la crise que nous vivons depuis quelques années est avant tout une crise d’ordre morale. La rapacité des prédateurs, le cynisme des marchands du vent et du virtuel, la banalisation des inégalités et des injustices font que le citoyen est broyé ; quand ce citoyen est immigré, alors il est doublement broyé.

Pendant ce temps-là des intellectuels français disent sur les ondes et dans des livres combien ils sont dérangés par le métissage de la population. L’un d’eux, Richard Millet, écrivain et éditeur, s’est dit « se sentir en apartheid quand il monte dans le RER (train de banlieue) » ajoutant qu’un enfant d’immigré qui continue de s’appeler Mohamed ne sera jamais européen. Ainsi, le discours de l’extrême droite politique est complaisamment répandu par des intellectuels qui n’hésitent plus à stigmatiser une population et une religion, l’islam.

L’immigration est un des dommages collatéraux des guerres, de la colonisation, de la misère imposée à des peuples par des dictateurs que certains pays occidentaux appuient et protègent. Heureusement que « le printemps arabe » est arrivé pour qu’un vent fort souffle sur tant de moisissure, de pourriture et balaie avec violence des dictatures dont plus personne ne veut.


Par Tahar Ben Jelloun. Discours d'Osnabrük : ce discours a été prononcé le soir du 14 septembre lors de la cérémonie de la remise du Prix René Maria Remarque.

Tunisie : L'enquête à l'encontre de Nessma TV doit être interrompue !

Menacé y compris physiquement après avoir diffusé et organisé un débat autour du film franco-iranien Persépolis,le directeur de la chaîne de télévision Nessma fait face à l’ouverture d’une enquête judiciaire pour « offense envers les cultes », « outrage public à la pudeur » et « atteinte aux bonnes mœurs et à la morale publique » (art. 226 et 226 bis du code pénal). La FIDH s’inquiète vivement de possibles poursuites judiciaires qui sanctionneraient le libre exercice de la liberté d’expression en vertu d’une législation qui viole les standards internationaux des droits de l’Homme.
« La liberté d’expression fait partie intégrante des libertés pour le respect desquelles le peuple tunisien s’est battu. L’ouverture d’une instruction judiciaire à l’encontre d’un média tunisien pour le sanctionner d’avoir exercé ce droit est une grave dérive » a déclaré Souhayr Belhassen, Présidente de la FIDH.

La plainte à l’origine de l’ouverture de l’enquête a été déposée le 10 octobre 2011 à l’initiative de 140 personnes majoritairement des avocats contre le directeur de la chaîne Nessma, Nabil Karoui. Cette plainte se fonde notamment sur les articles 44 et 48 du code de la presse et les articles 226 et 226 bis du code pénal hérités de l’ancien système qui prévoient une peine pouvant aller jusqu’à 3 ans de prison notamment pour « offense commise (…) envers l’un des cultes dont l’exercice est autorisé » (art.48).

Cette plainte fait suite à la diffusion par la chaîne de télévision Nessma le 7 octobre 2011, du film d’animation Persépolis doublé en dialecte tunisien et la tenue d’un débat sur l’intégrisme. Deux jours après la diffusion du film, plus de 200 personnes se sont réunies dans le quartier Montplaisir où se trouvent les bureaux de la Nessma TV et ont tenté d’attaquer les bâtiments. Selon des témoins, certains manifestants avaient des couteaux et des bâtons. Un appel à manifestation avait été lancé sur le réseau social Facebook, plusieurs internautes ayant appelé « à venir mettre le feu à la chaîne de télévision ». Les manifestants ont été dispersés par les forces de l’ordre qui ont procédé à des arrestations, des poursuites seraient en cours. Depuis, Nabil Karoui a été victime d’actes d’intimidation. Des menaces de mort à son encontre ont été proférées et des voitures ont été incendiées devant son domicile. Une scène du film où la petite fille communique avec Dieu représenté sous les traits d’un vieil homme serait à l’origine de ces actes de protestation violents, la représentation de Dieu étant considérée comme interdite par la religion pour nombre de musulmans.

La FIDH appelle les autorités tunisiennes concernées à mettre un terme à l’enquête à l’encontre de Nessma TV. En effet, toute procédure judiciaire ne peut être qu’arbitraire en ce que les faits reprochés constituent une violation de la liberté d’expression. La FIDH demande instamment au gouvernement intérimaire de promulguer sans délais le nouveau Code de la presse afin que les dispositions liberticides du code toujours en vigueur ne puissent plus être appliquées. Enfin, elle appelle les autorités tunisiennes, les partis politiques ainsi que les organisations de la société civile à condamner clairement et fermement ces actes de violences et ces atteintes à la liberté d’expression.

http://www.fidh.org

mardi 11 octobre 2011

Le "religieusement correct", nouvel outil de censure ?


La diffusion du film d'animation iranien Persepolis en dialecte tunisien sur la chaîne de télévision privée Nessma TV a fait l'objet des vives réactions d'une partie de la société tunisienne. Ces réactions concernant en particulier une scène du film ou le personnage de fiction est en proie à des questionnements d'ordre métaphysique. On voit alors les pensées de la jeune fille se matérialiser par l’apparition d'un autre personnage présenté dans le film comme étant dieu. Cette présentation d'une entité divine dans une oeuvre fictionnelle aurait ainsi, selon les propos tenus par ses détracteurs, été une insulte à la religion musulmane qui interdit toute représentation d'Allah. Sur la toile, les (petits) esprits s'echauffent, certains appelant au boycott de la chaine de télévision accusée de defendre les interet sioniste alors que d'autre appellent à la destruction pure et simple de ses locaux ! Les extremistes n'ont pas attendu plus de 48h pour mettre leurs menaces à execution.
selon l'AFP, 300 salafistes auraient, en effet, tenté d'incendier dimanche le siege de la télévision privée. Une tentative avortée par les forces de l'ordre, le porte-parole du ministere de l'interieur, Hichem Meddeb, faisant état d'une centaines d'arrestassions, cette réaction radicale de la part des salafistes n'est pas étonnante, ils ont déja prouvé leur étroitesse d'esprit en un recours systématique à la violence lors de précédentes polémiques, notamment celle de la diffusion du film laicité inch'allah dans les salles du cinéma AfricArt. La reaction d'une partie de Tunisiens condamnant la diffusion d'un film d'animation est autrement plus surprenante. Sans pour autant inciter à la violence, certain ont vu dans ce film, et particulièrement dans la scene décrite plus haut, un contenu blasphématoire. "La Tunisie est un pays musulman", répète-ils pour seul argument. Inutile de le répéter, la grande majorité de la population est musulmane nous le savons tous, mais est-ce une raison pour faire de la grande majorité de la population un troupeau de moutons uniformes incapables d'agir ou de réagir de manière rationelle ? N'est-il pas venu à l'esprit de ces détracteurs de la dernière heur qu'il ne s'agit ni plus ni moins d'une fiction ?et que l'entité divine qui y est représentée est également fictionnelle et qui plus est le fruit de l’imagination d'une fillette de six ans ? Nos concitoyens ont-ils perdu le sens des réalités et sont-ils à ce point menacés dans leur foi, pour que ce dessin animé leur provoque tant d'émoi ? N'ont-ils pas été amusés, pour certain , lorsque le comédien Jim Carrey, dans le film Bruce tout-puissant s'est vu octroyer les pouvoirs d'un dieu tout aussi irréel, pendant sept jours? Y ont-ils vu une atteinte à leurs croyance les plus profondes ou au contraire ont-ils passé un moment plaisant qui ne saurait avoir un rapport avec leurs principes religieux ?
Quels que soient les calculs et les arrière-pensées supposées des personnes ayant décidé de diffuser ce film à un moment aussi sensible de notre démocratie naissante, et ces raisons ont l'objet d’hypothèse diverses, plus ou moins louables pour la chaîne, ces censeurs d'un genre nouveau ont visiblement perdu toute capacité de discernement.
La vigilance est de mise concernant cette nouvelle forme de censure que certains veulent imposer celle du "religieusement correcte" dicté par l'absence de jugement réfléchis

tiré du quotidien-TN (Mardi 11 octobre 2011)

dimanche 9 octobre 2011

En attendant le “printemps israélien”


Du monde entier, des femmes et des hommes qui soutiennent les droits palestiniens se sont préparés à embarquer sur une expédition symbolique. Au nom d’idéaux humanitaires, ils ont pris des mesures politiques directes : une flottille internationale allait se diriger vers Gaza (où le peuple continue à souffrir dans les conditions les plus défavorables en raison du blocus israélien) afin d’exprimer la solidarité internationale avec les Palestiniens. Le gouvernement israélien, du ministère des Affaires étrangères au Mossad et aux services secrets, a essayé par tous les moyens d’arrêter les bateaux en faisant pression sur le gouvernement grec, en sabotant certains vaisseaux et en lançant une campagne médiatique qui a accusé les activistes non violents d’être des extrémistes et des radicaux. Dans une large mesure, et à court terme, cela a été un succès : quelques bateaux seulement de ce qui aurait dû être une grande et pacifique flottille demeurent opérationnels ; le gouvernement grec, en raison de ses nouvelles relations avec Israël, a plié sous les pressions et empêché les bateaux d’appareiller.

Un an après l’assassinat de neuf activistes non violents (pour la plupart turcs) dans les eaux internationales, le gouvernement israélien veut éviter la honte mais n’est toujours pas disposé à tenir compte de l’appel international à la justice. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu ne veut pas perdre sa dignité à cause d’une couverture médiatique qui serait potentiellement préjudiciable ; mener une politique inhumaine contre le peuple de Gaza ne lui fait en revanche pas peur. Une fois de plus, la “communauté internationale” garde le silence. Plus de deux ans après le massacre de plus de 1 200 civils à Gaza, un an après l’attaque contre des civils désarmés à bord de la Flottille de la Paix, et alors que nous assistons à la colonisation continue des Territoires Occupés, la Communauté Internationale demeure paralysée. Nous avons célébré ce qu’on appelle le “printemps arabe” tout en fermant les yeux sur la détresse intolérable des Palestiniens. Depuis plus de 60 ans, on leur a proposé de beaux discours - mais pas la justice. Et ainsi en va-t-il : l’Etat d’Israël demeure inchangé : sourd et obstiné. Pouvons nous espérer célébrer un jour un “printemps israélien” ?

On a conseillé aux Palestiniens de cesser leur résistance armée afin de recevoir le soutien de l’Occident. On leur a dit de mettre en œuvre en interne un processus démocratique et d’accepter les conditions préalables du soi-disant processus de paix. Ils ont été invités à négocier et négocier encore, à maintes reprises : on leur a promis la “paix”, pour la cinquième fois, en 2005. Six ans plus tard, leur situation est pire qu’ils n’auraient jamais pu l’imaginer. Divisés, en partie parce que la communauté internationale n’a pas accepté le choix du peuple lors des “premières élections libres dans les Territoires Occupés”, ils n’ont ni un Etat indépendant ni aucun espoir d’amélioration. Israël persévère avec son expansion silencieuse : lentement, sûrement, sciemment, stratégiquement.

Rien, apparemment, n’a changé, hormis la stratégie palestinienne. Ils savent que cela sera un processus long. A la lumière des soulèvements arabes, ils sont en train d’évaluer leur potentiel pouvoir de résistance non violente. Mais il serait quasiment impossible pour eux de déclencher une protestation de masse effective à cause des réalités géographiques et politiques. La situation à Gaza est désespérée ; la Cisjordanie commence également à suffoquer. Mais les Palestiniens continuent à résister avec dignité et courage ; ils n’abandonneront pas. Nous devons rendre hommage à leur résistance juste et légitime et demander que le gouvernement israélien cesse sa politique d’oppression et qu’il écoute. Pendant ce temps, les Etats Unis balbutient de timides mots tandis que les pays européens se contentent de les suivre.

Le mouvement global de résistance non violente à Israël est en train de gagner du terrain. La flottille internationale faisait partie de cette stratégie : des activistes pacifiques allaient sensibiliser le monde entier de manière plus aiguë en agissant de manière symbolique : en apportant des vivres aux Palestiniens, ainsi qu’en brisant le blocus immoral de Gaza. Par la même occasion, ils promeuvent l’appel au boycott des produits israéliens, à désinvestir les intérêts économiques israéliens et à sanctionner la politique israélienne. Il s’agit d’un mouvement non violent, pacifique et mondial qui doit prendre de plus en plus de d’élan. Le seul espoir réside dans le fait d’imposer à Israël, malgré les pressions internationales, son propre “printemps national”.

Il est révoltant de voir des pays occidentaux plier sous les pressions israéliennes et bloquer une action légale et non violente contre l’oppression israélienne des Palestiniens. L’avenir paraît sombre et personne ne peut prédire ce qui se produira au Moyen-Orient. La seule certitude est que les Palestiniens n’abandonneront pas et finiront en fin de compte par faire valoir leurs droits. Tandis que certains pourraient demander “Et si la résistance non violente était un échec ?”, notre réponse devrait être la suivante : il n’y a qu’une seule décision juste en histoire, à savoir résister à l’oppression et à la colonisation. Les Palestiniens savent mieux que quiconque quels sont les moyens à leur disposition. Quant à nous, nous savons quels sont les instruments de notre résistance internationale : dénoncer, briser l’isolation des Palestiniens et boycotter les produits israéliens. Il s’agit d’une lutte historique et essentielle pour la région - ainsi que pour le monde.

Il n’est point de doute possible : le printemps arrivera bientôt

[tarek ramadan]

Ni Printemps arabe, ni Révolutions


Après l’euphorie, l’optimisme et l’espoir, il est temps de revenir à la réalité et d’évaluer les événements du Moyen Orient et d’Afrique du Nord (MENA*) en gardant la tête froide. La vitesse avec laquelle se sont produits les soulèvements successifs a été si grande qu’il était légitime de conclure que nous étions en train d’entrer dans une ère radicalement nouvelle. Aujourd’hui, plus de six mois après la chute des dictateurs tunisien et égyptien, des questions cruciales se posent. Il est également légitime de se demander ce qui est réellement en train de se passer dans ces deux pays. Partout, la confusion règne : plus de 110 partis politiques se présentent aux prochaines élections législatives tunisiennes, tandis que l’Egypte assiste à des négociations secrètes afin de protéger des membres de l’ancien régime - en particulier des commandants de l’Armée. Le paysage politique en Tunisie est devenu trouble et en Egypte, on a le sentiment que l’armée est en train de récupérer le soulèvement ; que certains dirigeants sont en train de jouer un double jeu.
“Il faut du temps aux révolutions”, nous dit-on, ne nous pressons pas. L’Histoire révèle que la liberté a un prix. Cela est vrai. Nous devons demeurer engagés, impliqués et optimistes, sans toutefois être excessivement idéalistes ou naïfs. La situation en Tunisie, et plus encore en Egypte, suscite des inquiétudes : dans les deux pays, le paysage politique ressemble de près au chaos. La polarisation entre des courants laïques et islamistes empêchent toute discussion sérieuse relative aux défis sociaux et économiques majeurs auxquels les pays respectifs font face. Les Forces Armées regardent, si ce n’est surveillent, les développements au sein de la société tunisienne et égyptienne, tandis que des pays étrangers réajustent leurs positions et leurs stratégies. Il se pourrait, certes, que nous ne retournions pas aux anciennes dictatures, mais nul ne sait quel type de démocratie nous obtiendrons. Certains pensent qu’il est tout simplement trop tôt pour le dire. Nous ne pensons point qu’il s’agisse d’une question de temps, mais plutôt d’un problème d’influence et de considérations géopolitiques. Ce à quoi nous assistons est loin d’être « un printemps arabe ».
En regardant de près la Libye, ces questions deviennent encore plus critiques et la confusion plus profonde. Que réservera l’avenir après que la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis - agissant à travers l’OTAN - l’ont libérée de Mouammar Kadhafi ? Qui sont ceux qui composent le Conseil National de Transition (CNT) ? Comment peuvent-ils prendre des décisions aussi rapides au sujet de la distribution de la production pétrolière du pays, favorisant de manière aussi ostentatoire et sans gêne les pays occidentaux ? Derrière les belles paroles de démocratie, de liberté et de dignité libyenne, quels jeux joue-t-on afin de contrôler et s’emparer des richesses du pays ? Le scénario nous rappelle l’Irak : la situation demeure instable, Kadhafi a disparu, et très rapidement le pays sera sous contrôle. Ce dernier sera économique et géopolitique au lieu d’être une voie démocratique vers la liberté. De la confusion, en effet - mais clairement pas une révolution.
Les Grandes Puissances semblent être en conflit au sujet de l’avenir du régime syrien. Il a fallu six mois à la France, à la Grande-Bretagne et aux Etats-Unis pour demander à Bashar al-Assad de se retirer du pouvoir. Alors qu’ils lui demandent, assez timidement, de partir, la Chine et la Russie semblent les aider à ne rien faire. Pas de résolution de l’ONU, pas de déclaration explicite ; il n’y a pas de soutien clair au soulèvement syrien. Une fois de plus, il ne s’agit pas d’une question de temps, ni d’une question de démocratie : les considérations géopolitiques sont ici les facteurs décisifs. Le sang syrien reflète la valeur de la position géographique du pays : il peut être versé et sera versé au nom de calculs politiciens. Le Conseil National Syrien nouvellement établi ne réclame pas, à juste titre, une intervention internationale, mais demande un soutien international et diplomatique : au delà des mots, ils n’obtiennent rien. L’Occident, la Chine et la Russie sont inquiets, nous dit-on, du rôle des islamistes syriens, et en cela, ils prouvent une fois de plus que rien n’a changé. Les Grandes Puissances se moquent au fond de la démocratie : aussi longtemps que leurs intérêts sont protégés, elles demeureront silencieuses même si des milliers de civils sont massacrés. Les peuples yéménites ou bahreïni peuvent bien se sentir oubliés : ils le sont en effet, car leur cause, leur espoir, leur sang ne méritent pas les sacrifices des puissants.
Le gouvernement turc tente de s’impliquer davantage. Il a organisé des conférences, des ateliers de travail et des rencontres avec des dirigeants et activistes arabes. Mais agit-il avec une vision politique et géopolitique nouvelle ou bien recherche-t-il une influence économique ? La question clé est d’évaluer de quelle latitude jouit le gouvernement turc aujourd’hui afin d’initier de nouvelles alliances et des dynamiques originales au sein du MENA. S’agit-il d’un acteur indépendant qui tire profit de la compétition entre les Etats-Unis, les pays européens, Israël, la Chine et la Russie ? Est-ce que la Turquie a le potentiel d’apporter davantage de clarté à la confusion régnante ? La réponse est loin d’être évidente : La Turquie semble tenter de réconcilier sa “bonne volonté” avec des intérêts économiques significatifs et des alliances géopolitiques.
Voici venir des temps décisifs. Il importe d’œuvrer en défendant une approche régionale holistique, en gardant à l’esprit, ensemble, les dimensions politiques, économiques et géopolitiques du problème. La situation est moins rose et plus difficile qu’il pourrait sembler à première vue et dans l’engouement émotionnel. Ce qui nous voyons se produire autour de nous n’est ni un “Printemps Arabe” ni des “Révolutions”. Quelque chose est en train de changer au sein du MENA et ce de manière bien étrange. Le « Réveil Arabe » demeure une réalité confuse, une énigme. Il n’est pas facile, à la fois, de partager et de respecter les espoirs et l’optimisme des populations tout en évaluant froidement les calculs cyniques des gouvernements et des hommes politiques. L’attitude la plus sage semble consister à marier cohérence et étude approfondie en adoptant une position éthique qui valorise les rêves sans oublier de dénoncer les vérités qui dérangent, les mensonges et la corruption. Ceux des dictateurs, comme ceux des libérateurs ; ceux des ennemis comme ceux des amis.
*MENA est l’acronyme de “Middle East and North Africa”
Aimable traduction de S.H.
[Tarek Ramadan]